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voyages-madeleine-guillou

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voyager en cargo autour du monde

Publié le par voyages-madeleine-guillou
Publié dans : #Demi-tour du monde

 

 

Vers 7 h je monte sur la passerelle. Bonne surprise il y a seulement Vasile, le capitaine et Ronaldo la vigie. Encore une fois je peux user du privilège de m'asseoir dans le fauteuil du commandant. Encore une fois je peux y boire le café apporté par Vasile et les cookies apportés par Ronaldo. Par contre il n'y a plus de musique. Les radios crachotantes sont prioritaires dans ces endroits extrêmement fréquentés. Certaines musiques resteront pour moi attachées à la passerelle en particulier celle du musicien roumain Gheorghe ZAMFIR dont la flûte de pan envoûtante se marie si bien avec la mer. Dans un autre registre la chanteuse JEANETTE dont je connaissais uniquement la chanson Porque te vas traverse les époques et les pays avec bonheur. Le commandant Cornea nous rejoint pour un ultime point avec le capitaine.

 

Je descends terminer mes sacs pour libérer ma cabine. Gerard doit faire le ménage et les lits pour les passagers suivants. D'après mes informations les passagers qui vont me succéder sont une femme et son fils de 17 ans qui font uniquement la traversée du Havre à New York. Il y aura 5 passagers sur la prochaine rotation, aucun ne la fera en totalité du voyage.

 

Le brouillard s'est dissipé, il fait beau, le pilote pour l'entrée au Havre arrive à 11 h. Il faut environ 3 heures pour arriver au Terminal France du Havre. Mes bagages sont prêts et stockés dans le salon, je peux profiter du dernier trajet. Je suis mélancolique. Vasile, le capitaine, n'a toujours pas passé la main. Il arrive sur la passerelle vers 13 h. Par contre c'est le nouveau commandant qui surveille la manœuvre.

Contrairement à ce qui se passait d'habitude, je peux parler avec le commandant Cornea sur le pont extérieur. Il est là uniquement en observateur. Nous pouvons évoquer ces mois que nous venons de vivre sur le navire. En raison de toutes les péripéties qui ont jalonnées ce voyage, la rotation a été plus fatigante et plus longue que d'habitude. Malgré tout il souhaite repartir vers la mi-septembre sur l'Utrillo pour faire le même voyage. On peut s'attacher à un navire comme à une maison.

L'approche du Havre est longue et très agréable. On entre en passant devant la pointe et les hauteurs de Sainte Adresse avec ses belles maisons, on longe le font de mer du Havre avant d'arriver devant les quais du Terminal 2000 d'où nous étions partis le 13 avril. À 14 h nous sommes à quai. Une pluie très forte se met à tomber. Cela correspond tellement à mon état d'âme que cela ne me gêne pas.

 

Nous nous retrouvons dans le salon des passagers pour les rituels d'escales habituels. Tandis que le nouveau commandant s'occupe des formalités, c'est le moment des adieux aux officiers. Sébastien, le chef mécanicien, qui vient de terminer les manœuvres et de transmettre les clés des machines vient nous rejoindre. Les officiers ne débarquent pas immédiatement, ils passeront bien la nuit à l'Hôtel de la Marine. Ils partiront en taxi pour Paris vers 3 h du matin pour prendre l'avion à Roissy à 8 h. Ils sont fatigués et totalement obsédés par l'idée d'être chez eux avec leur famille.

 

Le commandant me demande de partager mon taxi avec les passagers australiens. Il est très tentant, étant donné leur attitude envers moi pendant le voyage, de répondre non. Il me demande surtout de lui rendre service en les accompagnant au bureau de l'immigration du Havre. Ils ne parlent pas français et le commandant est devenu prudent après les mésaventures de Rotterdam. Il a envie d'être sûr que cette fois tout sera en ordre. Allez, je lui dois bien ça au commandant ! Sébastien m'aide à descendre mes sacs sur le pont A.

Les adieux à l'équipage ont lieu avant de descendre pour la dernière fois l'échelle de coupée et encore sur le quai pour les marins qui s'active autour des containers. Il pleut à torrent, cela abrège les embrassades et m'évite de me laisser aller aux émotions que je redoutais.

 

Le taxi est une voiture banalisée, j'y retrouve les passagers australiens. Maintenant je n'ai plus qu'une envie, retrouver mon fils aîné qui m'attend à l'Hôtel de la Mer. Auparavant je m'acquitte de ma mission, nous faisons un détour par les bureaux de l'immigration pour que les passagers australiens soient en règle sur notre territoire.

 

À16 h 30 je quitte sans regret les passagers australiens et retrouve avec bonheur Olivier qui m'attend depuis 2 h ! Pour une fois ce n'est pas de ma faute si je suis en retard.

Nous arrivons très tard à Nantes ou une réception m'a été préparée par toute ma famille pour me présenter le dernier né qui à déjà compris comment me séduire. Je suis dans un état second. J'ai l'impression de sortir d'une bulle et je suis étourdie par le bruit et le mouvement. Je sais qu'il me faudra du temps pour mettre vraiment pied à terre. Je pense aux officiers qui ne vont pas beaucoup dormir cette nuit dans l'attente de vivre ces retrouvailles avec ceux qu'ils aiment.

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Publié le par voyages-madeleine-guillou
Publié dans : #Demi-tour du monde

 

Je me réveille à 2 h, pas de moteur. Pas de containers devant mes sabords, mais le chargement n'est pas terminé. Je me rendors. Vers 4 h je sens qu'on bouge, effectivement la manœuvre commence. Je pourrais me lever mais j'imagine la fatigue des officiers, l'ambiance doit être pénible. Pas envie de vivre ça avec des officiers que je ne connais pas.

À 7 h je monte. Il pleut et il y a du brouillard. Effectivement les officiers sont fatigués. Le nouveau commandant est assis dans son fauteuil.

Je m'installe dans le siège de la vigie. Ronaldo m'apporte du café et Vasile des cookies. Précieux rituels. Je descends vers 8 h prendre mon petit-déjeuner. Le commandant est là, il me dit qu'il a eu un appel à 2 h du matin des services de l'immigration. Ils le prévenaient qu'il fallait qu'il paye une amende pour avoir laisser débarquer 2 passagers sans autorisation. Évidemment il s'est défendu en expliquant de nouveau le contexte de ce débarquement. L'immigration doit faire une enquête, elle a accepté de surseoir au payement jusqu'au prochain passage de l'Utrillo. C'est invraisemblable cette histoire. Le commandant a intérêt à ne pas faire confiance aux agents et a appliquer strictement la loi. Tant pis pour le confort des passagers.

Le pilote pour l'entrée à Dunkerque doit arriver vers 14 h, ensuite nous saurons peut-être à quelle heure nous arriverons demain au Havre. En tout cas ce ne sera plus le matin.

 

Je vais envoyer un message à mon fils pour le prévenir du changement de l'heure d'arrivée. Le commandant essaye aussi d'organiser le planning de son débarquement et de celui des officiers. Avec tous ces contretemps, ils ne seront pas chez eux samedi soir. J'imagine la déception de leurs familles.

 

Je termine mes sacs. Je n'aurai plus que quelques vêtements et ma trousse de toilette à ajouter. Je n'arrive pas à croire que je n'ai plus qu'un soir et un matin à vivre sur l'Utrillo.

 

La salle à manger est pleine des nouveaux arrivants ! Ils parlent anglais, langue officielle du bord mais j'aimais bien entendre parler roumain. Tout est dans l'ordre et je me sens étrangère. Heureusement "mon" commandant s'apprêtait à sortir et nous échangeons un sourire. Les passagers australiens sont invisibles. L'escale d'hier a du les fatiguer !

Les côtes de France sont visibles, à 14 h je monte sur la passerelle. Les binômes sont en place. Eduardo est à la barre. Le pilote vient d'arriver.

L'approche de Dunkerque n'est pas très belle, la mer est moche et la côte est plate. Le port de containers est petit avec peu d'animation. Celui de Fidji faisait la même taille  mais la mer était turquoise, il y avait de la chaleur et des palmiers.

Je n'ai plus ma place sur la passerelle. Mon téléphone sonne pour la première fois depuis 3 mois. Je ne m'y attendais pas, la passerelle non plus. Je rassure tout le monde et je sors très vite sur le pont. Le téléphone ne m'a pas manqué mais je retrouve avec plaisir les voix de mes enfants

Quand je reviens sur la passerelle, le pilote a compris que je suis française et passagère. Il me demande si le voyage n'a pas été trop long. Il a été navigant pour la CMA pendant 15 ans, ensuite il est devenu pilote. Quand il naviguait les passagers n'avaient pas droit à la passerelle. C'était l'époque ou la compagnie a commencé à recruter du personnel roumain. La langue officielle du bord était le Français. Le commandant approuve. Grâce à cela les officiers roumains ont perfectionné leur français jusqu'à le parler couramment. Après la fin des manœuvres, nous échangeons encore un peu. Il a travaillé très dur pour avoir ce poste de pilote mais il trouve que cela en valait la peine. Il est passionné par son métier qui lui permet de rester proche du monde des marins et d'avoir une vie personnelle normale.

 

Dans le salon des passagers contrairement à l'habitude en escale, tout est désert. Le commandant n'est pas là, le second officier non plus. Du coup j'accueille l'agent portuaire, jeune homme sympathique et bien sûr français. Comme le pilote tout à l'heure, il me demande si cela n'a pas été trop long de vivre trois mois sur un porte-containers. Depuis 6 mois il est titulaire de son poste. Au bout de 2 ans à la CMA il pourra faire le voyage des Antilles. Tous les lundis, un navire qui fait ce trajet s'arrête à Dunkerque. Il connait tous les commandants et pourra choisir son équipage. Il rêve de ce voyage. Il est né tout près de Dunkerque, son père est marin et il ne peut pas vivre à moins de 150 m de la mer.

Le commandant arrive. Les formalités se font en français. Le commandant lui demande si les services d'immigration montent à bord. Non, ils ne viennent jamais. Le commandant a été échaudé à Rotterdam, il insiste mais l'agent lui répond que les passagers peuvent sortir, pour revenir il leur faudra seulement leur badge. Ils peuvent appeler un taxi. Le centre ville de Dunkerque est à 27 kilomètres, le centre commercial Auchan est à 5 km. Il est 17 h, je ne vois pas ce que j'irai faire à Dunkerque et je veux vivre une dernière soirée sur le navire.

Les passagers australiens sont déçus car il n'y a pas de foyers de marins. Décidemment le tourisme à l'australienne nous étonne de plus en plus.

 

Je grave les dernières photos et films sur des DVD et des disques externes pour le capitaine, le commandant, le chef mécanicien, Gerard, Numériano… Le temps passe à une vitesse folle. Je descends dîner. Il n'y a personne … évidemment il est 20 h 30 et non 19 h 30 comme je le pensais. Décidemment la fin de ce voyage me chamboule. La pluie s'est arrêtée, je m'installe une dernière fois dans mon transat sur le pont face au soleil couchant. Un coucher de soleil est toujours uniue mais j'ai la nostalgie des couchers de soleil en pleine mer quand l'eau s'embrase sans limite avec des nuances de couleurs impossibles à restituer sur une photo.

 

J'attends minuit, je ne vais pas manquer le dernier départ. Le pilote monte à bord. La passerelle est silencieuse et dans l'obscurité on ne voit que les lumières des instruments de bord et des quais extérieurs. Pas de bruit sur les quais, il n'y a pas d'activité de nuit à cet endroit et les manœuvres de chargement et déchargement sont terminées depuis plusieurs heures. Le pilote et le commandant Cornea sont sur le pont extérieur. Le commandant a passé les commandes à son remplaçant mais il assiste aux manœuvres du départ. Je salue en français et le pilote s'étonne de la francophonie ambiante. La raison est que je suis française et passagère. Donc tout est normal. Nous sympathisons. Durant la soirée pendant les temps morts de la guidance, nous échangeons quelques mots. Il est né sur l'île de Groix, commandant à 28 ans il a navigué pendant 12 ans. Prévoyant l'usure presque inévitable qu'entraîne cette forme de vie il a passé le concours de pilote. Il habite Dunkerque, ce métier lui permet de travailler une semaine sur deux, il peut ainsi retourner souvent sur son île retrouver son bateau. Il a aimé naviguer, ces 12 années ont été des vacances. Il dit quelques mots sur cette petite compagnie pétrolière avec laquelle il a navigué entre l'Afrique et l'Amérique du Sud dans des conditions quelquefois rocambolesques. Homme passionné par les métiers de la mer, famille de marins il arrive à concilier plaisir et travail. Comme le jeune agent portuaire il a aussi reçu la mer en héritage. Il trouve intéressant de monter sur les bateaux ou il fait de belles rencontres. Il trouve que le métier a beaucoup changé depuis quelques années. La pression devient trop forte sur les officiers et cela rend le métier moins attractif. Son regret est de ne pas avoir traversé le Pacifique mais il le fera un jour sur son voilier.

Nous sommes de nouveau en pleine mer, la mission du pilote est terminée. Je regarde son départ du haut de la passerelle. Pas envie de dormir, je suis dans une curieuse léthargie comme si je cherchais a arrêter le temps.

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Publié le par voyages-madeleine-guillou
Publié dans : #Demi-tour du monde

 

Je me lève sans problème à 3 h 45. De ma cabine je vois les lumières du bateau qui amène le pilote. Nous sommes dans la mer du Nord. Je monte sur la passerelle. Il fait nuit bien sûr. Je me glisse dans le silence. Accueil muet et chaleureux comme d'habitude. Vasile, le capitaine, vient de prendre normalement son quart. Pour le commandant c'est plus dur mais comme nous avons du réseau, il a pu joindre sa femme et c'est bon pour le moral ! le café frais à cette heure de la nuit sur une passerelle éclairée par les lueurs de la mer est un breuvage des dieux.

L'arrivée sur Rotterdam est très majestueuse. Le port est gigantesque sur les deux rives. Nous pénétrons loin dans les terres. Le soleil se lève, les lumières sont magnifiques. 

 

Rotterdam est une ville portuaire néerlandaise de 607 460 habitants (environ 1 200 000 dans l'agglomération).

Rotterdam est la seconde ville des Pays-Bas après Amsterdam. Elle représente le cœur industriel des Pays-Bas, et jouit d'une position géographique stratégique, à l'embouchure du Rhin et de la Meuse et proche du Pas de Calais  séparant la Manche et la mer du Nord. Elle est ainsi le débouché économique de toute l'Allemagne de l'ouest, la région la plus dynamique d'Europe.

Son activité est donc principalement maritime, elle possède des infrastructures portuaires sur près de 30 kilomètres. La capacité et la modernité de celles-ci lui permettent le quasi monopole des arrivées d'hydrocarbures en Europe (Rotterdam et le Havre sont les seuls ports de la côte atlantique à pouvoir accueillir des super tankers pouvant transporter jusqu'à 400 000 tonnes de pétrole) et elle est aussi un point important pour les matières premières et les conteneurs.

Cet ensemble lui a permis de s'affirmer comme le quatrième port mondial  (et le premier port européen), malgré la concurrence croissante de  Shanghai et Singapour qui l'ont largement dépassé pour le transbordement de conteneurs.

À l'instar des autres grandes villes néerlandaises, Rotterdam est une ville multiculturelle dont près de la moitié de la population est d'origine étrangère. Cette situation n'est pas sans créer des tensions. Le bourgmestre actuel, Ahmed Aboutaleb, est d'origine marocaine et possède la double nationalité.

(source Wikipédia pour les renseignements ci-dessus)

 

À 6 h 30 nous sommes à quai au fond d'une immense impasse encadrée de quais réservés aux bateaux de commerce. En attendant les contrôles habituels j'ai le temps de déjeuner. Ensuite je rejoins les passagers australiens dans le salon, sacs à dos en place, ils sont prêts à descendre !

Pour ma part, j'ai surtout envie de rester sur le navire. Encore deux jours et il faudra le quitter. De plus le port de Rotterdam m'intéresse davantage que la ville elle-même que je pourrai toujours visiter ultérieurement si vraiment j'en ai envie.

L'agent portuaire arrive vers 8 h. Les formalités sont assez réduites. Les australiens débarquent et je reste à bord.

 

Je prépare la fin du voyage en copiant mes photos sur des clés USB pour les marins qui me l'ont demandé et en commençant le tri de mes affaires pour remplir mes sacs de voyage.

Nonobstant le bruit du va et vient des portiques sur les quais, le silence est total. Vers 10 h j'entends des voix dans le salon. Ce sont les services de l'immigration. Deux personnes. Un homme et une femme. C'est elle la chef, elle est jeune avec un visage fermé. Le commandant ne semble pas content. Je sens l'embrouille.

Immédiatement elle demande à voir équipage et passagers. Évidemment, il manque les deux passagers australiens. Le commandant lui explique que l'agent portuaire lui a dit que le service de l'immigration ne passerait pas, et qu'il a lui-même appelé un taxi pour les passagers. La "Chef" ne l'entend pas de cette oreille et les reproches pleuvent. Pour la calmer, le commandant lui dit que les passeports des deux australiens sont en sa possession. Juste ce qu'il ne fallait pas dire. La contrôleuse devient carrément véhémente, il est interdit de sortir sur le territoire sans un passeport et un visa. Cette fois le commandant se défend en faisant remarquer que visiblement le poste de contrôle du port a laissé passer les australiens sans rien demander. Quelle drôle d'idée d'imaginer que des ressortissants australiens veuillent émigrer clandestinement aux Pays-Bas. Pas contente, la contrôleuse note l'heure à laquelle les passagers doivent revenir à bord, elle reviendra pour les rencontrer !

Il fait très beau, du pont extérieur E, je regarde l'embarquement de l'approvisionnement à tribord. Les marins du bord s'activent. Gerard, le messman, Bernard le cuisinier, sont réquisitionnés pour la manutention. Le bosco Willy orchestre les manœuvres. Les palettes de bouteilles d'eau sont chargées sur le pont à l'aide de la grue du bateau. Elles sont immédiatement déchargées à la main pour permettre l'enlèvement des supports en bois. Ce doit être épuisant !

Je vois arriver les officiers de la relève ainsi que l'agent de contrôle et les techniciens. Il y a un monde fou sur le navire.

L'après-midi, je m'installe pour lire à bâbord, du côté de l'eau. Des bateaux de ravitaillement en fuel sont amarrés les uns aux autres le long de la coque de l'Utrillo. C'est un curieux spectacle de voir l'Utrillo cerné de toutes parts par une armée de lilliputiens qui le prépare de la salle des machines aux cambuses, à affronter une nouvelle rotation.

De nombreuses péniches spécialisées en transport de containers passent pour aller charger et décharger leurs chargements au fond de l'impasse. Des bateaux-mouches viennent faire visiter cette impasse assez particulière. La première fois que les touristes me saluent, je suis tellement étonnée que je ne réponds pas. Pour les autres, je serai plus réactive. Je suis une bizarrerie qu'on photographie sur un porte-containers. Impossible de lire. Je n'arrête pas de bouger pour voir ce qui se passe autour du navire. Je reste sur les ponts E à bâbord et à tribord. Même si ce n'est pas l'envie qui m'en manque, je sais qu'il ne faut pas se promener sur le pont de manœuvre pour ne pas gêner les opérations et aussi ne pas risquer un accident. Le temps passe très vite. Le soir, personne dans la salle à manger, rupture de stock pour la salade et je suis incapable de manger encore du sauté. Un peu de fromage et un yaourt cela suffira pour ce soir. Les passages australiens sont rentrés et les services de l'immigration ne sont pas revenus.

Je me hasarde au pont A pour avoir quelques nouvelles. J'ai appris que le départ a été repoussé à 23 h. Les couloirs sont déserts. Le capitaine n'est pas dans son bureau, mais je le croise dans le couloir. Très pressé, il a juste le temps de me dire que nous ne partirons pas avant 2 h du matin. Aïe, cela remet en question l'heure de notre arrivée au Havre !

Je vais à l'extérieur sur le pont A et je vois un attroupement autour d'une énorme pièce moteur. Elle est encore sur le semi remorques et les marins l'accrochent à la grue de pont. Elle doit être très lourde car ils mettent des filins énormes. Elle est plus longue que large. Je la vois s'élever dans les airs. Les marins grimpent quatre à quatre les ponts pour suivre la pièce.

Je les suis et je trouve un monde fou sur le pont E. Sébastien, le chef mécanicien, dirige les opérations pour descendre la pièce, par le milieu du navire, dans la salle des machines. Il y a Sergueï, Numériano, Willy, Vasile et des techniciens qui n'appartiennent pas à l'équipage de l'Utrillo. C'est terriblement difficile. Le commandant vient aider la manœuvre. Ils jouent les acrobates. Je retrouve la même ambiance que lors du sauvetage. Il faut de l'imagination et du courage pour trouver les bonnes méthodes pour introduire cette énorme pièce de plusieurs tonnes dans l'espace, somme toute restreint, qui ouvre l'entrée de la cale. Ils vont batailler une heure et demie. Pratiquement tout l'équipage de pont et de machine est là. En bas et en haut. Le commandant et le chef ont vraiment de "grandes gueules", dans ce genre d'exercice c'est absolument indispensable. Enfin la pièce se pose sur les poutres en bois qui permettront ensuite de la tirer. Le grutier, je crois que c'était Léo, doit être épuisé, pendant toute la manœuvre les talkies lui ont hurlé des ordres ! son rôle n'était pas facile. Congratulations générales. Il est 9 h 30, aucun des membres de l'équipage n'a dîné. Et le chargement n'est pas terminé.

Je rentre et je n'ai même pas le courage de lire. Malgré le bruit du va et vient des containers et les portes qui claquent sur tous les ponts, je m'endors très vite. Je mets mon réveil à 2 h.

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Mercredi –-04 juillet 2012

 

Brouillard dans la Manche

6 h 30 passerelle, le brouillard est encore plus dense qu'hier. Nous entrons dans la Manche au-dessus de Cherbourg. Il y de nombreux navires sur le radar, mais nous ne les distinguons pas. La navigation n'est pas très confortable. Ronald, la vigie, est… très vigilante.

7 h 45 les second et troisième officiers arrivent, le commandant sur les talons. Gentiment le commandant me dit de ne pas bouger de son fauteuil, mais le charme est rompu. Je les laisse à leurs problèmes de navigation. Nous entrons sur une grande autoroute de navigation et pour y accéder nous devons d'abord la traverser. Pas de rampes d'accès sur la mer, la prudence s'impose.

 

Je veux transférer certains des messages et nettoyer ma boîte de messagerie personnelle avant de partir. Pour la première fois le courrier électronique n'est pas accessible. Le modem clignote, des mises à jour sont en cours. Je descends écrire dans le salon.

 

Nous sommes passés devant Greenwich et nous avons atteint la longitude 00. Je suis montée trop tard sur la passerelle. Nous étions à 00.42 à la hauteur de Cherbourg. Je ne regrette pas trop, il me sera plus facile de repasser par ce point que de repasser les hémisphères.

 

Le soleil est là et je passe tout l'après-midi à regarder les côtes françaises. L'activité maritime est intense, les navires et les bateaux de toutes tailles surgissent de partout. C'est très animé. Je n'arrive même pas à lire. Le soleil est vraiment différent dans la Manche que dans le Pacifique on peut rester en plein soleil sans avoir trop chaud. Il fait environ 23 degrés.

Vers 17 h, le chef, le commandant, le capitaine, la vigie sont sur la passerelle. Ils sont détendus, on sent que la "quille" est proche. Il fait très beau, nous sommes à l'heure. Une heure avant la fin du quart, le silence revient et je peux contempler la mer de mon poste privilégié.

 

Je vais dîner, le chef Sébastien, s'attarde un peu. Nous commençons à vraiment réaliser que les 3 mois de vie commune vont s'arrêter. Il est à bord depuis 6 mois. Il est épuisé moralement et physiquement, il est temps que ce contrat s'arrête.

 

Je vais lire sur le pont extérieur. Nous sommes en face de Boulogne sur mer. Je vois des bateaux à voile superbes. Je suppose que ce sont les bateaux qui vont à Brest pour la fête "les Tonnerres de Brest" qui accueillent des dizaines de vieux gréements. Il y a en particulier une magnifique goélette à 3 mats et huniers, toutes voiles dehors. C'est magique.

Nous passons le cap Gris Nez. Le coucher du soleil vers 23 h est beau, il est blanc, la mer est douce et la myriade de navires offre un très joli spectacle. Les Ferries pour l'Angleterre font des passages incessants.

En nous approchant des côtes nous captons le réseau Vodafone anglais. Nous avons brièvement capté le réseau français. Les ondes ont des frontières capricieuses.

Je rejoins, à regret, ma cabine. Il faut dormir de bonne heure, le pilote pour l'entrée de la passe de Rotterdam arrive à 4 h et je veux être sur la passerelle.

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Publié dans : #Demi-tour du monde

 

 

7 h le calme du matin sur la passerelle semble un état révolu. Elle est éclairée pour permettre à Ronald de cirer le sol. À l'extérieur, toujours le brouillard. Vagues éclaircies intermittentes mais sans soleil. Nous approchons de la Manche, longitude 14 ce matin. Nous avons traversé l'Atlantique Nord sous le brouillard. Le dernier beau lever de soleil a eu lieu à Philadelphie le 26 juin et le dernier coucher de soleil visible a été la bonne surprise du soir du BBQ le samedi 29. À travers la vitre à tribord, je vois quelques dauphins. Un bateau de pêche a été aperçu cette nuit. Les cétacés suivent les filets.

 

J'ai appris à scruter la mer, c'est un plaisir de regarder et d'évaluer chaque mouvement d'écume. L'art consiste à repérer la présence d'un animal marin. À la longue on la repère de mieux en mieux car le mouvement se répète différemment si c'est un animal qui soulève l'eau ou si c'est la houle et le vent. La mer est très calme. Le navire ne bouge pas du tout. Le roulis est imperceptible.

 

Je décide de sortir mes sacs. Je me prépare psychologiquement au départ. Demain sera la dernière journée "normale". La dernière journée en mer. Ensuite nous naviguerons la nuit jusqu'au Havre.

 

Le temps ne s'améliore pas, il fait 19 degrés. Je vais quand même lire sur le pont. Avec mon ciré et la couette, c'est très agréable. Les premiers oiseaux apparaissent. Cette fois je les reconnais. Ce sont des sternes, les hirondelles des mers. Ils sont beaux ces oiseaux blancs avec le haut de la tête et les ailes bordées de noir. Impossible de les photographier, ils passent trop rapidement. Je les suis à la jumelle.

 

Je descends à la piscine. L'eau n'est même pas à 13 degrés ! je n'insiste pas, je ressors glacée, la chaleur des eaux du Pacifique est loin. Pour la première fois depuis mon départ, je traine sans parvenir à me fixer sur une activité. Sur la passerelle, le brouillard enveloppe tout. Le cœur n'y est plus. À partir de demain, la vigie sera toujours présente, la circulation est dense dans la Manche. À Rotterdam, les 6 officiers qui assurent la relève montent à bord. Le navire sera complet.

 

Parmi tous les privilèges que m'a réservé ce voyage, celui de pouvoir contempler la mer quand j'en avais envie, nuit et jour a été le plus important. J'ai bénéficié de la grande courtoisie des officiers qui m'a permis d'utiliser, en-dehors des escales, le fauteuil du commandant. Confortablement installée face aux radars qui surveillent le cap et l'environnement, j'ai ressenti toutes les sensations liées à la marche du navire. Les enseignements et l'amicale présence du capitaine ont été essentiels dans ma découverte de la vie de la mer et des hommes sur un pont de navire.

 

J'arrive tard au dîner, Philip est assis à la table des officiers et leur tient un discours. Visiblement j'arrive à la fin, de toute façon je ne comprends pas du tout son anglais. Après le diner Sébastien, le chef, me traduit ce que Philip leur expliquait. L'Australie recherche de la main d'œuvre européenne non qualifiée. Il demandait aux officiers de diffuser l'information en Roumanie pour encourager l'émigration. Seulement c'est pour peupler les régions ouest et centrales de l'Australie ou personne ne veut aller. L'isolement y est complet, les régions développées sont sur la côte est. Il a fait ressortir les avantages. Le salaire moyen est de 700 dollars par semaine pour des travaux d'entretien, de ménage, de petites manutentions. Conditions de vie extrêmement faciles. Un climat chaud mais agréable. Le seul problème pour les européens c'est que c'est le bout du monde. Rien que le prix du billet aller et retour, plus de 1000 euros, est un problème pour n'importe quel roumain qui gagne péniblement 150 à 250 euros par mois. De plus dans ces régions isolées il est hors de question de partir seul pour travailler. Il est très difficile d'émigrer pour Sydney et Melbourne mais apparemment pour les régions en devenir il y a des possibilités.

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