À ce point de mon voyage je considère que mon Tour du Monde est terminé. Nous sommes à la même longitude que l'Australie.

Ma boucle est bouclée. Je suis une "circumnavigatrice". Mon plus ancien rêve est réalisé. Ce qui est extraordinaire c'est que c'est mille fois mieux que ce que j'avais pu imaginer.

Mon périple n'est pas encore terminé, il me reste quelques précieuses semaines de voyage sur le Bougainville. Je prendrai ensuite le temps de réfléchir à cette expérience singulière.

Le beau temps est revenu sur Busan. Du haut de la passerelle j'admire le travail fait avec les portiques. Ce port est séparé en deux parties. Une partie est gérée par Hyundai et l'autre par BSCT. Nous sommes dans la partie BSCT, nous sommes en rose et bleu. Sur le quai des filets de séparation marquent les territoires.

La partie Hyundai travaille avec des portiques traditionnels et des camions sur les quais

La partie BSCT utilise exclusivement des portiques mobiles pour manipuler les conteneurs. Les camions viennent chercher les conteneurs sur des parkings près de l'entrée du port. Ils n'entrent pas sur les quais.

Petit évènement rare, un bateau CMA-CGM est en escale juste derrière nous. C'est le DALILA. Le commandant vient saluer le commandant Giguet et visiter rapidement le Bougainville.

La prochaine escale du DALILA est Vancouver, après il rentrera par l'Asie. Il est trop grand pour passer par le canal de Panama. Le doublement du canal qui permettra le passage aux très gros tonnages est attendu avec impatience par les marins.

À l'exception du capitaine Tanguy nous nous retrouvons au complet pour le déjeuner. Tout va bien. Les réparations se sont bien passées.

Le bateau est propre. Une escouade de femmes coréennes en bleus de travail, encapuchonnées et masquées ont fait le grand ménage sur le pont de manœuvres et dans les supports de conteneurs. Seule méthode pour effacer les odeurs laissées par les peaux pourries. Ce sont toujours les femmes qui font la peinture et le ménage en Corée.

À la machine ils ont eu droit à deux profils d'informaticiens que tout le monde connait. Le premier est un grand classique. C'est le type dépenaillé, "border-line" (pardon Sylviane pour l'anglicisme) qui ouvre tout, regarde l'amoncellement des fils et des manettes et qui en 30 secondes, avec ses petits doigts, change les connections ou autres pièces et vous dit "c'est bon, effectivement cela ne pouvait pas fonctionner". En général on regarde le "fou", partagé entre la colère, le soulagement ou le fou-rire. On peut faire les trois. Ce qui compte c'est le résultat.

Le deuxième profil, c'est un type pas très éveillé, qui passe trois heures sur chaque écran ou tableau. Il touche à tout, il soupire. Quelques heures après il en est toujours au même point. Un individu de cette espèce qui est monté à bord hier a dormi sur place ! La réparation a été faite ? On le saura pendant la suite du voyage. Les tests ne peuvent pas se faire moteurs arrêtés. Gags !

Le Chef et le second mécanicien prennent la situation avec philosophie. Le bateau est en état, nous pouvons continuer le voyage.

Les deux pilotes coréens arrivent à 14 h. Notre départ se fait à 14 h 15. Ils sont sympathiques les coréens, je trouve qu'ils ressemblent un peu à des ninjas mais bon, ils ont l'air pacifiques. Le commandant est en forme.

Le demi-tour dans la baie est impeccable. En plein jour c'est plus impressionnant que de nuit. Quand on voit le nombre d'îles autour de nous et devant nous il vaut mieux connaitre les passes et aller doucement.

Ce qui est toujours bluffant est la puissance des remorqueurs reliés par ces énormes filins ils dirigent la manœuvre en poussant ou en tirant le navire.

Comme je ne subis aucun stress je profite à fond de ce moment dont je ne me lasse pas. Il fait 30°, c'est splendide. Nous longeons les villes, il y a des constructions et des chantiers un peu partout.

Je vois enfin ces îles qui font enrager le commandant. Elles sont bien belles mais effectivement très mal placées !

La sortie du port a été aménagée avec soin. Les jetées et les phares sont d'une grande originalité. J'ai raté la photo avec la mention entière "See You Again". Je la mets quand même, un phare en forme de dragon ce n'est pas courant. Je n'arrive pas toujours à être au bon endroit, trop de choses à voir !

Je vois également le pont à haubans qui était illuminé à notre arrivée. Il fait la jonction entre les îles.

Vers 15 h 30 les pilotes sont repartis et nous nous frayons un chemin parmi l'armada de bateaux petits et gros qui arrivent vers le port ou qui sont à la dérive. Le trafic est intense. Les capitaines Tanguy et Thibault sont sur la passerelle avec le commandant et le lieutenant César. Un voile de brume nous accompagne.

Nous repartons en mer de Chine pour rejoindre Qingdao sur la côte Chinoise.

Nous redescendons et changeons d'heure. À minuit nous reculons d'une heure.

Demain nous n'aurons plus que 6 heures de différence avec la France.

On n'est pas dimanche, on n'est pas jeudi et il y a un grand plateau de viennoiseries sur la table du petit-déjeuner. Geste affectueux de la part de Félix envers tous les gourmands dont ils s'occupent depuis des mois sur ce bateau. Les officiers ont changé tous les 3 mois, ils sont tous unanimes pour louer le professionnalisme et la gentillesse de Félix.

Deux autres marins philippins Roggie et Daniel rentrent chez eux. Comme Félix ils sont sur le BOUGAINVILLE depuis 9  mois.

À la CMA-CGM les contrats pour les marins philippins, indiens ou autres nationalités sont de 6 mois pour les officiers et de 9 mois pour les autres postes. C'est la norme.

C'est long pour tous ces hommes qui n'ont pas fait, que je sache, des vœux de chasteté. Ils s'arrêtent en moyenne 5 mois et ils repartent.

Le capitaine Tanguy me rappelait un vieux dicton "on ne vit pas pour travailler, on travaille pour vivre". Probablement, mais loin d'être possible partout. En France, quelles que soient les difficultés, nous sommes des nantis. Cette conviction me rend toujours prudente pour donner un avis sur les formes d'existence des populations dans les autres pays du monde.

Revenons à ce port de Pusan ou Busan. On utilise l'un ou l'autre nom. Hier soir, l'humidité avait trempé le BOUGAINVILLE. Ce matin il bruine avec 24 degrés. Les abords de grandes îles et presqu'îles ont été bétonnés pour construire ce grand port international.

Avec plus de 3,6 millions d’habitants, Busan est la seconde ville de Corée du Sud et le plus grand port maritime.

Busan est connue pour ses plages, ses sources chaudes, ses réserves naturelles et des événements tels que le célèbre festival international de cinéma, qui a lieu chaque automne.

Busan est une bonne destination pour ceux qui cherchent une ambiance plus décontractée que Séoul. Situé à la pointe sud de la péninsule coréenne, l'important port de Busan donne à la ville une ambiance internationale, avec des marins du monde entier et un nombre croissant de touristes.

Le climat de la ville de Busan est un peu plus chaud que dans le reste de la péninsule, la laissant relativement peu exposée au gel hivernal. Elle bénéficie d'un climat subtropical humide, avec de fortes pluies en été dues à la mousson et des hivers doux. Il ne neige pratiquement jamais.

Busan se trouve à environ 450 km au sud-est de Séoul et environ 150 km au nord-ouest des côtes japonaises.

La plupart des chauffeurs de taxis ne parlent pas anglais, mais certains parlent un peu japonais: cela aidera beaucoup si vous pouvez montrer votre destination, écrite en Coréen. Il est facile de trouver et d'attraper un taxi par beau temps. S'il pleut, vous risquez d'attendre longtemps un taxi libre!

Certains taxis peu scrupuleux peuvent tenter de gonfler la note au-delà des prix fixes, jusqu'à 20.000 ￦ par exemple (￦ est le sigle pour symboliser la monnaie qui est le won) dans certaines zones comme le port de Busan. Insister pour qu'il mette le compteur et changez de taxi s'il persiste.

La malhonnêteté est l'attitude la mieux partagée au monde !

Le temps se dégrade vraiment et mon envie de sortir disparait complètement. La passerelle est investie par des techniciens qui cherchent à comprendre pourquoi les logiciels du radar ne se mettent pas à jour. Je les regarde éteindre et allumer les ordinateurs. Tous les ordinateurs sous Windows Seven Professionnel. Apparemment cela n'a pas l'air facile. Le jeune coréen qui semble être l'informaticien est nerveux. Il arrive à tout faire redémarrer, c'est déjà bien. Il dira au commandant, un peu plus tard, que "pour l'instant, ça marche, après…". Bizarre, cette phrase m'est familière. Mes clients – amis  apprécieront !

Ce matin le remplaçant du capitaine Tanguy est arrivé. Il s'appelle Thibault. C'est la première fois qu'il vient sur le BOUGAINVILLE. Dans ce cas ils sont en doublure pendant une semaine environ. Tanguy descend à Port Kelang.

Je crois en avoir déjà parlé mais tant pis je répète, le poste de second capitaine est très important et demande la  connaissance de tous les postes du navire. Tanguy (que le commandant trouve excellent capitaine) estime que même en trois mois on ne maitrise pas encore la bête. Il connait son remplaçant et il est évident qu'il fera le maximum pour que la passation soit la meilleure possible. Ils sont jeunes mais ils ont des nombreux miles à leur actif et une bonne expérience.

Pendant le déjeuner, sans les hommes de la machine, je rencontre ce nouveau capitaine et Félix nous présente son remplaçant. Il s'appelle Raoul et il a un beau sourire. Pour eux la passation a duré une matinée et un repas. Le déjeuner est expédié en 20 minutes. En escale chaque minute compte.

Il pleut toujours. Le taxi qui emmène Félix et les deux autres philippins à l'aéroport arrive à 16 h 30. Je descends au ship's office vers 16 h. je tombe sur les adieux entre philippins. Félix tient à la main une boîte avec un de ces jouets, les "transformers" dont raffole tous les enfants. Il n'a pas pu le caser dans une valise et je suppose qu'il veut le donner tout de suite en arrivant à son petit garçon.

Nous prenons les photos souvenirs. Nous ne nous reverrons sans doute jamais mais nous ne nous oublierons pas.

Pendant notre sortie à la muraille de Chine, Félix a fait un grand ménage dans ma cabine et laissé une carte bleue tenue à la cloison par un de mes aimants. Je ne l'ai vue que le lendemain !

C'est une carte d'anniversaire. Pour ceux qui n'ont pas tout suivi, je rappelle qu'un trombinoscope de tout l'équipage est affiché sur chaque pont avec photo, lieu et date de naissance etc…

Comme il ne sera pas là au mois de juin, il m'a dessiné et écrit une superbe carte. Quel talent ! Quand on sait le peu de temps de loisirs dont il dispose à bord, je trouve cela émouvant. Comme il doit manquer à sa famille pendant ses longs mois d'absence. Bon vent Félix.

Les deux zefs attendent la navette pour aller au Seamens boire une bière et capter la wifi gratuite. Rien que l'idée de descendre les 75 marches glissantes de pluie et de graisse me fait remonter vite fait dans le cocon (grand, le cocon) de la passerelle.

Là-haut, je suis en sécurité et je domine la situation. Le décor serait plus agréable avec du soleil.

Au diner nous ne sommes que trois, le commandant, Jean-Sébastien et moi. Visiblement les intervenants extérieurs ne doivent pas avoir quitté le bateau.

Cela permet à Raoul de commencer tranquillement son service. Félix lui a transmis nos habitudes et nos manies.

J'ai droit à mon thé comme tous les soirs. Normalement je ne bois jamais de thé le soir mais cela faisait tellement plaisir à Félix de me l'apporter que je m'y suis habituée ! visiblement je vais devoir continuer, je ne veux surtout pas faire de peine à Raoul…

En sortant, le commandant va aller faire le tour de son navire, pour savoir où sont ses deux capitaines et le Chef et son équipe.

Il fait toujours beau. Félix a un sourire radieux. Il débarque demain matin. Il rentre enfin dans sa famille. Il est à bord depuis 9 mois. Il est sur le Bougainville depuis son lancement.

Nous devons arriver dans la soirée à Pusan. L'agent portuaire propose un taxi pour ceux qui voudraient aller en ville. Il propose un forfait aller/retour à 180 euros ! Pour une personne seule c'est vraiment trop cher. Pendant cette escale les officiers sont très occupés, ils ne pourront pas dégager de temps pour sortir. Il y a les zefs mais pour eux c'est le prix qui va être trop élevé. On verra demain

Je vais faire un tour de pont. La mer est toujours aussi calme avec cette brume qui ne quitte jamais l'horizon. Le temps est idéal. Frais et ensoleillé. Pour la première fois, je peux lire à la proue dans un silence total.

Nous devons avoir le pilote vers 19 h.

Dans l'après-midi je peux m'installer à la passerelle sur l'aileron bâbord. Mon petit fauteuil me rend vraiment service, grâce à lui je peux m'installer partout pour lire. C'est très rare qu'il n'y ait pas de vent, Depuis 2 jours on a une mer d'huile, une chance que nous ne naviguions pas à la voile ! (je sais c'est nul, mais ça me fait rire)

Le commandant est présent, la visibilité n'est pas excellente et le coin est très fréquenté. Il attend les ordres du Port de Pusan.

Vers 16 h 30, il apprend que nous n'avons pas de place pour l'instant. La venue du pilote est repoussée aux alentours de 22 h 30. Si l'heure est respectée, nous pouvons être à quai 2 h plus tard.

Pour l'instant, nous sommes tout près de Pusan, nous ne pouvons pas continuer à avancer. Le commandant décide de  trouver un endroit pour nous mettre à la dérive. Le mouillage n'est pas possible, les fonds sont trop profonds pour jeter l'ancre. Ils sont de 100 m environ. Au-delà de 50 m c'est assez compliquer de trouver à l'accrocher.

Il est 19 h Les moteurs sont éteints, Dan et  Guillaume surveillent. En 2 h nous devrions dériver de 2000 miles environ ce qui n'est pas grand-chose. Nous sommes en sécurité, les autres bateaux savent que nous sommes "planqués".

L'équipage souhaite que l'heure d'arrivée ne change pas, demain il y aura une grosse journée de travail, il faut dormir un peu. Les marins ont l'habitude mais à Pusan c'est particulier. Les problèmes techniques sont très nombreux sur le BOUGAINVILLE. Les sociétés qui l'ont construit et qui font la maintenance sont en Corée. Demain le bateau va fourmiller de techniciens de toutes sortes. Il va falloir les gérer au mieux, surtout à la machine qui aura un maximum d'intervenants.

Au dîner tout le monde est présent. C'est la dernière fois que Félix fait son service. Demain son remplaçant sera sur le bateau de bonne heure pour recevoir les consignes. Nous allons le regretter. Nos remerciements sont amicaux et sincères.

Il est 23 h, par mon sabord je vois les lumières de Pusan. C'est l'avantage de ne pas avoir la vue bloquée par les conteneurs.

Je monte assister à l'arrivée du bateau dans le port. Nous avons deux pilotes coréens qui parlent doucement mais en coréen. Leur anglais est tellement mauvais que le capitaine et le commandant leur font répéter chaque phrase.

La baie dans laquelle nous pénétrons est vaste et encombrée de plusieurs îles. Juste au milieu de l'entrée il y en a une petite qui oblige les bateaux à faire des manœuvres de contournement.

Vous l'avez sans doute deviné, le commandant râle " je ne comprends pas qu'ils ne fassent pas sauter cette île !" Dans ces moments-là, surtout ne pas alimenter ses idées radicales de simplifications. Attendre quelques secondes suffit pour le voir sourire en coin. Il vient régulièrement dans ce port, je parierais bien qu'il fait cette remarque à chaque fois. Tant qu'il n'apporte pas des explosifs…

La côte est habitée et très éclairée. Je vois un grand pont dont les haubans sont couverts de milliers d'ampoules.

Pas de petits bateaux furtifs dans tous les coins, seulement des gros bateaux très visibles. Nous avançons lentement, il ne faut pas emporter un bout d'île. Cela ne ferait rire personne mais vu du haut de la passerelle, le BOUGAINVILLE est tellement énorme qu'il donne l'impression de pouvoir écraser une île comme une motte de terre, en le sentant à peine.

Finalement pour sa dernière rotation, avant de partir en retraite, peut-être que le commandant Giguet pourrait tenter le coup. Ce qui le découragera sans doute c'est l'idée de la montagne de déclarations à faire après, il déteste les papiers.

Les pilotes coréens courent partout, ils passent d'un aileron à l'autre en s'arrêtant quelques secondes devant les instruments pour donner une instruction au timonier. Je n'avais pas encore vu cette méthode de pilotage.

Dès que le bateau est à quai, ils se précipitent sur le commandant pour lui faire signer leurs documents officiels et le capitaine les raccompagne.

Problème, l'échelle de coupée ne peut pas être accrochée au quai. Il faut faire déplacer un portique. Ce sont les pilotes qui auraient dû vérifier ce point. Ils sont déjà loin, ils sont descendus de l'autre côté par la mer.

À minuit et demie, après plusieurs heures de travail intense personne n'a envie de ce genre de contretemps. Surtout que tous les coréens disposés sur le quai veulent absolument commencer à travailler.

Dans ce genre de situation, le commandant oublie de râler. Le professionnel expérimenté résout d'abord les problèmes.

Les talkies crépitent dans tous les sens. Le grand portique se déplace et dégage l'espace nécessaire pour arrimer la marche d'accès à l'échelle.

Je laisse le commandant fermer la passerelle. Nous allons rester dans ce port au moins une journée et demie. 

Nous retrouvons la Mer Jaune pour aller en Corée. Ne pas oublier que nous sommes toujours dans l'océan Pacific Nord.

Nous arrivons demain à Pusan. Nous avons une journée de pleine mer pour un "vrai" dimanche avec activités professionnelles réduites pour tout l'équipage cet après-midi.

Ce qui ne change pas à bord quel que soit le jour de la semaine c'est l'heure du petit-déjeuner. La salle à manger est préparée de 7 h à 8 h.

Pains aux raisins, jus d'orange, thé et promenade sur le pont. Il fait toujours aussi beau. environ 23 degrés.

Lecture. Écriture. Le temps passe trop vite.

Comme c'est un "vrai" dimanche il y a un apéro champagne au Carré. Il reste encore des saucissons dans les bagages de certains officiers et aussi quelques bouteilles de bon vin.

Ils ont même pensé au fromage mais il n'y en a plus depuis un moment.

C'est super agréable d'avoir un équipage qui a eu envie de mettre dans ses bagages des nourritures à partager. Cela me fait encore davantage plaisir d'avoir apporté quelques douceurs.

Plaisir de traîner un peu à table et grande sieste pour tous. C'est le zef Vincent qui doit faire le dessert du soir.

Changement d'heure à 14 h nous ajoutons une heure. Nous avons 7 h de décalage avec la France.

J'ai trouvé dans la bibliothèque du Carré des livres de Virginie Despentes "Vernon Subutex" tome 1, tome 2. Étonnants bouquins d'un parisianisme exacerbé. L'écriture de cette auteure est puissante et foisonnante. Son petit monde désenchanté qui ne peut exister que sous acides et alcools divers est terriblement fatigant. Heureusement je lis devant la mer, le ciel est bleu, je suis à mille années lumières de cet écrivain.

Je me demande qui a pu apporter ces livres,  le plus bizarrec'est que le tome 2 est en deux exemplaires. Peut-être qu'un libraire liquidait ses invendus !

Vincent a fait un gâteau au chocolat auquel Félix a ajouté une boule de glace à la vanille. Le gâteau était un peu brûlé, les fours professionnels ne sont pas faciles à maîtriser, mais c'était bon. Il a eu les félicitations du commandant. L'apprentissage des zefs se fait dans toutes les matières !

Ce qui est amusant c'est que tous les officiers présents ont été des zefs. Ils maintiennent les traditions, dont celle du dessert du dimanche soir, dans une ambiance bon enfant.

Dans les nombreuses petites tâches qu'ils doivent accomplir il y a l'édition du menu. Le rôle est pour Vincent. Tous les midis, le moment attendu est la découverte de ce menu. Il doit être illustré et comporter quelques remarques sur la journée, ou une citation ou une blague…C'est souvent très drôle.

Nous avons deux zefs absolument charmants.

Toujours un temps de rêve entre 22 et 25° avec un léger vent frais.

La baie de Dalian  est immense, bordée de constructions. En arrière-plan les montagnes offrent un écrin de verdure à cette grande agglomération.

L'architecture est la même qu'à Tianjin. Les architectes sont certainement payés par le gouvernement. On imagine les consignes. Tout doit être optimisé, fonctionnel et pas cher.

L'alternance entre groupes d'immeubles "ruches" et groupes de maisons individuelles existent également. Il y a des quartiers VIP mais du bateau je ne risque pas de les repérer.

Une partie du Port est réservé au transport de gaz et d'hydrocarbure.

Je viens de  rencontrer le capitaine Tanguy qui m'a annoncé le départ vers 13 h. On sera surement en retard c'est une bonne heure. La sieste va être supprimée mais demain ils auront un vrai dimanche avec une sieste à rallonge.

Seul bémol, il n'est pas possible de sortir pour aller voir de plus près cette ville. Cela m'aurait intéressée de la "sentir" en me promenant dans les rues. À part peut-être La place de la Mer d'Étoile (voir plus loin) je ne rate rien d'inoubliable.

Dalian est une ville de la province du Liaoming en Chine, donnant sur le Golfe de Corée. Selon le recensement officiel sa population permanente était de 6 690 432  habitants en 2010, 505 hab./km2. On y parle le dialecte de Dalian du  mandarin jiaoliao.

C'est une importante ville industrielle, son port est le troisième port de Chine, et le premier pour les hydrocarbures. En juillet 2010 l'explosion de deux oléoducs et d'un réservoir de pétrole a été à l'origine d'une importante marée noire.

Suite aux occupations russe et japonaise du  Dongbei, Dalian est une des villes à l'architecture la plus « occidentale » de Chine. C'est une ville riche, où de nombreux investisseurs en provenance de la Corée toute proche et du Japon ont des usines et des entreprises. La place de la Mer d'Étoile (Xinghai) est la plus vaste place urbaine dans le monde (1 100 000 m2),

La ville de Dalian à de bonnes ressources touristiques : son climat tempéré ainsi que son importance dans l'histoire moderne de la Chine attirent de nombreux touristes chinois et étrangers, particulièrement du Japon, de la Corée du Sud et de la Russie. Chaque année, on y organise d’importantes activités: le festival du Sophora, le festival du Vêtement, une foire commerciale, le marathon international de Dalian, etc

Lüshunkou est une des plus belles plages de Chine ayant un environnement écologique bien protégé. On y trouve aussi des vestiges de la guerre nippo­russe.

Dalian est jumelée avec de très grandes villes dont la ville de Vancouver.

Note perso : les architectes qui ont fait les immeubles de Vancouver devraient venir donner des conseils à ceux d'ici.

Dalian possède de nombreuses universités, dont la principale université de langues étrangères (DUFL) du Nord-Est chinois (12 000 étudiants, avec un département français où sont formés de nombreux professeurs et interprètes de français), ainsi que l'Alliance française de Dalian.

En 2007, le revenu annuel moyen par habitant s'élevait à 15 109 yuans, soit une augmentation de 13,2 % par rapport à l'année précédente. Le revenu annuel moyen par habitant dans les zones rurales est nettement plus faible que celui des zones urbaines. Malgré une augmentation de 19,8 % en un an, il n'est que de 8 369 yuans.

Il y a six églises protestantes et une église catholique construite en 1926. Les messes sont dites en chinois et en coréen.

Le pilote est annoncé à 13 h 30. Le Chef et le commandant vont déjeuner à 11 h 30. Tout est prêt pour partir.

Eh non, les dockers ont décidé de faire une pause et tout est décalé. Malgré tout nous devons sortir impérativement avant 14 h pour bénéficier de la marée haute.

À 13h55 les portiques continent à charger cela ne sera pas possible de respecter la marée.

Nouvelle info, nous partons à 14 h30. Le pilote arrive à 14 h. Juste avant son arrivée le commandant souhaite qu'il ne soit pas un hurleur. À chaque montée de pilote dans un port chinois le commandant fait ce vœu qui sonne comme un mantra pour conjurer le sort.

Il a vraiment du être traumatisé par des pilotes chinois très "gueulards" !

C''est moi qui rencontre le pilote en premier. C'est un grand type qui me salue par un grand sourire. Je pense que cela commence bien. Il sort rejoindre le commandant sur l'aileron et je suppose qu'il lui sourit aussi car le commandant lui serre la main chaleureusement.

En rentrant sur la passerelle, il me glisse que nous avons sans doute tiré un bon numéro. Ouf ! Depuis le début des escales en Chine, les pilotes chinois ont été corrects.

14 h 45. Les remorqueurs sont en place depuis 15 minutes. Ils font du sur-place en attendant que les portiques dégagent.

Cette fois tout est en ordre. Nous allons faire un beau demi-tour dans cette grande baie sous un soleil magnifique.

La brume s'est un peu estompée mais elle va nous rattraper à la sortie du port. De minuscules bateaux de pêcheurs zigzaguent devant nous.

Le commandant ne va pas s'énerver puisque c'est le pilote qui dirige la manœuvre et qui doit les éviter !

Nous longeons la baie et nous voyons les îles voisines plus ou moins reliées par des ponts aériens ou des passages artificiels créés à cet effet.

À tribord nous voyons les îles qui hébergent le stockage des hydrocarbures et du gaz.

Malgré cela, le paysage est remarquable.

Malgré le danger que cela représente dans un grand port de commerce international, le grand nombre de petits bateaux de pêche et leurs filets montrent un style vie que je trouve rassurant en opposition au gigantisme des bateaux qui, jour et nuit, sillonnent les océans sans même vraiment savoir ce qu'ils transportent.

Bateau et barge insolitent. Ils transportent des portiques pour manipuler les conteneurs

Le pilote reste jusqu'à la sortie complète de la baie, il y a un trafic intense. Après la sortie balisée par les phares apparaît une île qui fait froid dans le dos avec ses installations pour le pétrole et le gaz.

Il y a même une petite plateforme de forage pétrolier.

Le résultat de ces installations est très visible sur la mer. un bande de nuages jaunes flotte à l'horizon.

Après le départ du pilote nous allons retrouver la haute mer et la vie normale à bord.

Assez loin en mer, nous longeons des îles boisées de forme rondes un peu allongées dont la base est enveloppée d'un voile de brume.

Je réalise que les peintures chinoises et japonaises représentent toujours les îles de cette façon. Je comprends enfin pourquoi.

Nous naviguons à travers des tableaux et encore mieux nous sommes un élément du tableau.

C'est bien les voyages.