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voyages-madeleine-guillou

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voyager en cargo autour du monde

Publié le par voyages-madeleine-guillou
Publié dans : #Demi-tour du monde
Cette fois c'est sérieux. Rien à voir avec la mer un peu forte que nous avions eu entre Savannah et Kingston. La nuit a effectivement été très agitée. Il faut dormir sur le dos jambes et bras écartés pour ne pas se retrouver par terre. Il est difficile de se déplacer sans être projeté contre les parois. Je comprends l'utilisation des barres d'appui partout dans la salle de bain. Ce n'est pas pour les personnes souffrant de handicap, mais pour tout un chacun en situation de tempête.
 
Je descends à 7 h 30 prendre mon petit déjeuner. Gerard n'a pas l'air bien et il n'y avait rien sur les tables. Tout dégringole au fur et à mesure qu'il met les verres ou les tasses. Aucun autre passager ou membre d'équipage. Je monte sur la passerelle ou Vasile termine son quart de nuit. Je lui dis que j'ai pris l'ascenseur pour ne pas m'accrocher dans les escaliers. La gaffe ! l'ascenseur devrait être à l'arrêt. Le marin responsable ne l'a pas encore stoppé. Mea culpa, il y a effectivement un panneau recommandant de ne pas le prendre en cas de "Bad sea", mais je n'ai pas encore l'habitude d'évaluer la "bad sea". Pour plus de sureté Vasile me demande de rester dans ma cabine le plus possible car tout déplacement devient dangereux. Je vais essayer.
 
Je descends prendre mes courriels. Les chaises sont en vrac dans le bureau et tous les dossiers sont par terre. Hier soir j'avais ramassé certaines choses qui étaient déjà tombées. Là j'ai tout laissé, cela n'ira pas plus bas ! j'envoie quelques messages et je descends dans ma cabine.
 
C'est vrai que monter ou descendre les escaliers devient acrobatique. J'essaie de lire mais je sens que cela me donne le tournis. Je m'installe par terre, comme ça je ne tomberais pas, et j'essaie de regarder un film. Pas de problème, je me sens de nouveau très bien. J'ai tellement de films enregistrés que je peux tenir plusieurs semaines en en voyant quatre par jour !
 
 
 
Ce midi je vais prudemment à la salle à manger. Catherine et Philip me rejoignent. Catherine s'assoie et prend un peu de pain et de fromage. Le bateau gite tellement que je vois Philip glisser avec son siège à tout allure hors de la table en même temps qu'un grand fracas vient de la cuisine.
 
Lucian, le reeferman entre et s'assoit. Le temps qu'il soulève le couvercle de la soupière, celle-ci prend la tangente. Inutile de dire que le fou-rire me prend. On se croirait dans un film de gags.
 
Pour l'instant ma chaise reste tranquille. Gerard, en tanguant, m'apporte une assiette de calamars avec de la sauce tomate et du riz. Alors là non ! it is not possible ! rien que l'odeur ! je vois Philip verdir. Catherine qui essayait vaillamment d'avaler 2 bouchées de pain sort en courant. Enfin, en s'accrochant un peu partout. Je redonne mon assiette à Gerard, je vais me contenter de salade, de pain et de fromage.
 
Les autres officiers arrivent. Gerard slalome pour apporter les assiettes sans tout renverser. Je trouve qu'Adrian, l'électricien n'a pas l'air très bien. J'attends de voir sa réaction devant les calamars. Il pâlit un peu mais s'attaque bravement au plat. Il en a juste mis un peu dans sa bouche qu'il prend une serviette pour cracher et il sort en courant. Les autres se marrent mais presque aussitôt je vois le commandant glisser avec sa chaise tout le long de la table. Nous sommes écroulés de rire. Pendant ce temps, Philip essaie de gérer les va et vient de sa chaise, il a opté pour la soupe, le pain et le fromage. Pour finir la table se met à osciller si fort que la soupe se renverse sur lui et que j'ai failli recevoir sur les genoux les verres plein d'eau et les assiettes de fromage. Je déclare forfait. Le commandant me demande si tout va bien mais je ris tellement que cela le rassure.
 
Je remonte avec précaution dans ma cabine ou je vais regarder un nouveau film. J'ai ouvert un sabord car il ne pleut plus. Ce n'est pas une bonne idée car il y a maintenant une odeur de fuel parfaitement insupportable.
 
Tant pis, je vais prendre l'air quelques minutes mais il est impossible de rester sur un siège pour lire. Je me mets en rappel avec les deux pieds sur la balustrade mais j'ai l'impression qu'il suffirait d'un creux un peu plus fort pour que je passe par-dessus. Plus tard, quand je raconterai cela au commandant, il me proposera un harnais pour me tenir à la paroi ! rien que pour la photo j'ai été tenté par la blague mais non ce n'était pas bien raisonnable.
 
Je monte lire dans le siège du vigie. Ce siège, je crois en avoir déjà parlé, est situé à bâbord de la passerelle. Il est très haut, on y monte avec un marchepied. Il est au niveau du bas des grandes baies vitrées et offre une vue imprenable sur l'avant du bateau et sur la mer. En-dehors du pilote des ports, personne ne l'utilise. Les passagers peuvent l'utiliser et comme pour l'instant je suis seule, je viens souvent m'y installer.
 
Je lis, j'écoute de la musique t en regardant la mer déchaînée. Par moment je me cramponne au siège tellement ça chahute. Le commandant arrive sur la passerelle pour parler avec l'homme de quart, Ronaldo, qui est nouveau. Il remplace Edwin qui est descendu à Sydney.
 
Ensuite il vient me rejoindre pour bavarder. Il me dit que les vagues font 4 à 5 mètres de haut et que nous traversons une grosse dépression qui va durer jusqu'à demain matin. Sortir sur les ponts extérieurs est dangereux. Je lui demande ce qui se passe si quelqu'un tombe à l'eau en ce moment. Déjà ce n'est jamais arrivé sous son commandement, mais il ne pourrait pas risquer la vie de 3 ou 4 hommes pour en sauver une. Il faudrait descendre un bateau et le mal de mer est tel dans ces embarcations qu'aucun marin n'est capable de sauver qui que ce soit. C'est dit avec beaucoup de retenu et de regret mais c'est sans appel. Les marins connaissent cette règle et personne n'est assez fou pour ne pas se conformer aux procédures de sécurité. On n'est pas dans des défis de course autour du monde en solitaire. Ici on travaille, personne n'est là pour battre des records et mettre la vie des autres en danger. Les marins veulent d'abord rentrer chez eux et en bonne santé. Pour la plupart, il n'aiment pas plus la mer que les marins bretons autrefois quand ils partaient pêcher la morue à Terre Neuve.
 
Nous avons largement augmenté notre vitesse qui est d'environ 30 nœuds alors que normalement nous sommes plutôt à 20 nœuds. Il faut sortir le plus vite possible de cette zone dangereuse et respecter l'heure prévue de notre arrivée à Napier. La compagnie s'étonne de la décision du commandant car le bateau va consommer beaucoup de fuel. Il leur a envoyé la position du bateau et la météo qui nous accompagne et que nous rencontrons. Avec la mer, la meilleure défense c'est la fuite. La première mission du commandant est de garantir la sécurité de l'équipage, des passagers, de la cargaison. Les containeurs ne sont pas tous d'une excellente fiabilité et il est toujours possible d'en perdre si la mer est trop mauvaise.
 
Les hommes, même ceux qui ont autrefois navigué, peuvent devenir à terre, des employés uniquement préoccupés de la rentabilité et des profits des actionnaires.
 
Heureusement le commandant est le seul maitre à bord et il entend bien le rester. Nous devrions arriver à Napier lundi dans la soirée. Trop tard sans doute pour descendre le soir. Surtout qu'il ne fera pas très beau. Par contre on pourra peut-être descendre le lendemain matin de bonne heure. Le bateau doit repartir vers 13 h mais pour l'instant je ne l'ai jamais vu repartir à l'heure prévue, il y trop d'impondérables.
 
Nous n'aurons pas d'escale à Kingston, je suppose c'est pour récupérer la journée de retard. De toute façon nous ne pouvons pas descendre en Jamaïque. Pour Philadelphie les prévisions ne sont pas très bonnes mais c'est encore loin et tout peut changer d'ici là.
 
Je descends faire des photos du coucher de soleil qui se montre enfin à l'arrière du bateau. Je me mets avec précaution sur la coursive bâbord du pont E. Je ne tiens pas debout, je m'accroche, ce n'est pas très pratique. C'est très beau.
 
 
 
Au moment ou je remonte sur la passerelle, un appel par haut parleur annonce un exercice de contrôle des alertes pour l'équipage. J'y suis habituée et je n'y fait pas attention. Je regarde les instruments de bords réagir à la tempête. Il y a un cadran ou on peut suivre la gite du bateau. En ce moment, le déplacement de l'aiguille est impressionnant.
 
Après quelques minutes nous voyons débouler Philip et Catherine qui avait compris que c'était une alerte mais qui ne savait pas où aller. Je leur dis que nous ne sommes pas concernés. C'est vrai qu'avec tous ces évènements ils n'ont pas encore eu la démonstration des gilets de sauvetages et des consignes sur les procédures d'évacuation ! Catherine est très pâle, je descends et ils me suivent, ils n'ont vraiment pas l'air en forme.
 
Je dîne seule, il n'y a absolument rien sur les tables, Gerard distribue les ustensiles un par un. Ce soir il a perdu sa bonne humeur, la tempête ne lui réussit pas. Les camarades australiens sont venus chercher une assiette de pain et de fromage vers 18 h et sont remontés dans leur cabine. Les officiers sont invisibles.
 
Je vais regarder mon troisième film de la journée ! Auparavant, je vais prudemment sur la coursive extérieure regarder le ciel qui est superbe et rempli d'étoiles. Il y a un quartier de lune très brillant.
 
Le bateau bouge trop dangereusement pour que puisse rester très longtemps, pas envie de disparaitre dans ces énormes vagues qui cernent le bateau.
 
Même pas malade, je suis assez contente de moi et j'ai finalement passé encore une très bonne journée.
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